A la suite de notre réunion de travail du 29 Janvier et après notre visite à l'exposition de la Conciergerie où nous avions été conviés lors de l'inauguration ,notre président Jacques CATZ a rédigé un document de synthèse contenant toutes les observations qui avaient été réunies .
Ce document a été adressé au Président de la République avec des copies à Madame Anne Hidalgo Maire de PARIS, à Monsieur PERRAULT et à Monsieur BELAVAL, à Monsieur Christophe GIRARD Maire du 4 ème arrondissement, à Monsieur Jean LEGARET maire du 1er arrondissement, à Madame Valérie PECRESSE Présidente de la région Ile de France, à Madame Audrey AZOULAY Ministre de la Culture ,à Monsieur P.BLOCHE député de notre circonscription.
Vous pouvez prendre connaissance de son contenu ci-dessous.
NOTE D’OBSERVATIONS SUR LE RAPPORT PERRAULT-BELAVAL
RELATIF A L’AVENIR DE L’ILE DE LA CITE
La lecture de ce rapport fait apparaître un travail considérable et intéressant d ‘analyse de l’état des lieux mais l’examen des 35 propositions de sa conclusion donne un sentiment de grande déception par leur manque de réalisme. Celles-ci sont orientées essentiellement vers le développement du tourisme. Il est clair que cette étude a été fortement influencée par la perspective prochaine des Jeux Olympiques de 2024 et de l’Exposition Universelle de 2025. Or ce type d’événements ne dure que quelques semaines pour les Jeux Olympiques et quelques mois pour l’Exposition Universelle alors que la plupart des modifications qu’il est proposé d’apporter dans l’ile seront pérennes et toute erreur dans l’action entreprise aura des conséquences sur une période beaucoup plus longue. On ne saurait oublier ce qui s’est produit lors de la transformation du quartier des Halles. Les très importants travaux réalisés à l’origine n’ont pas résisté à l’usure de quelques décennies car il a fallu reprendre l’ouvrage et construire la fameuse canopée. Il est donc absolument nécessaire que l’action entreprise soit étudiée avec la plus grande rigueur et préparée avec le plus grand soin. Il est regrettable de constater que ce n’est pas ici le cas ainsi que nous allons le voir. Au surplus, ce projet est visiblement inspiré par la phobie de l’automobile chère à la Mairie de Paris en supprimant la circulation dans certaines voies et en réduisant considérablement les possibilités de stationnement dans l’ile. Enfin ce projet suppose de considérables travaux en sous-sol, transformant l’ile en fourmilière et en négligeant les nombreux réseaux et ouvrages qui y ont été réalisés. Et surtout il semble ignorer les risques de crues de la Seine qui pourraient se produire dans les vingt cinq prochaines années alors que celle de 1910 est plus que centenaire. Aussi, il est indispensable de ne rien ajouter à la vulnérabilité de notre capitale. Pour avoir des retombées positives ce projet doit être orienté vers un tourisme durable et responsable, créateur d’emplois et respectueux de l’environnement.
LES HABITANTS DE L’ILE
L ‘orientation proposée ne tient aucun compte des conditions de vie des habitants de l’ile dont il est très peu fait état sinon pour déplorer la diminution de sa population permanente due notamment au développement de l’activité touristique du centre de la capitale. Ils sont les premiers spectateurs et parfois les victimes de ce développement considérable, qu’il s’agisse des nuisances sonores, des difficultés de stationnement et de la quasi disparition des commerces de la vie quotidienne (boulangerie, boucherie, charcuterie, épicerie). Rien n’est proposé pour améliorer cette situation. Or, ces habitants assurent une vie certes ralentie mais permanente de l’ile lorsque les touristes et tous ceux qui y travaillent sont partis. Ils méritent mieux qu’un silence total. Ce projet aboutirait à les presser de quitter leur ile, cédant leur logement à des étrangers fortunés recherchant un pied à terre à Paris et n’y séjournant qu’ occasionnellement. Ainsi, la Cité serait transformée exclusivement en centre touristique et ce projet manque totalement de réalisme sur ce point. Or, la présence de ces habitants et leur existence donne une véritable identité à ce quartier et lui confère authenticité et particularité, ce qui permet de conserver les caractéristiques vivantes de la rue parisienne.
LA CIRCULATION AUTOMOBILE
Il est fait abstraction du rôle joué par l’ile, cœur de Paris, dans la circulation automobile, notamment celle des acteurs économiques amenés à se rendre dans la capitale pour y travailler et en particulier les entreprises résidant dans l’Ile de France. La création d’une promenade sur toute la rive sud de l’ile peut paraître séduisante mais elle présente de nombreux et importants inconvénients alors que le quai bas, le long du quai des Orfèvres, est très large et planté de beaux arbres et permet déjà d’effectuer une promenade agréable. Elle ne prend pas en compte le fait que les bus 24 et 27 empruntent le quai des Orfèvres et le quai du Marché neuf. Il sera donc nécessaire de détourner ces lignes au détriment des usagers. De nombreuses voitures utilisent le pont de l’Archevêché pour entrer dans l’ile et notamment celles des habitants, commerçants, livreurs, artisans et surtout celles des véhicules d’urgence se rendant à l’Hôtel-Dieu. En outre, beaucoup de véhicules l’empruntent pour fuir les bouchons créés à certaines heures par la suppression de la circulation sur les quais de la rive gauche La suppression de la circulation automobile sur ce pont va leur créer des problèmes qui s’ajouteront à ceux résultant de la fermeture de la voie express rive droite.
Aussi, on peut difficilement admettre qu’après avoir affirmé page 16 du rapport qu’il n’était pas question de supprimer la circulation automobile dans l’ile, les rédacteurs s’empressent de la rendre plus difficile en l’ interdisant sur la rive sud au détriment des habitants de la partie occidentale de l’ile mais aussi des services de la Préfecture de Police et du Palais de Justice. Et il en va de même pour tous ceux qui empruntent le pont de l’Archevêché.
LE STATIONNEMENT AUTOMOBILE
Le rapport déplore à la page 16 les difficultés de stationnement automobile dans l’ile mais le projet aboutit à les aggraver considérablement en supprimant le parking situé sous le parvis de la cathédrale, en l’interdisant quai des Orfèvres et quai du Marché Neuf et en le réduisant dans le parc de la rue de Lutèce. De même, l’aménagement proposé pour le Marché aux Fleurs va entrainer la suppression de nombreuses places de stationnement. Encore une belle contradiction qu’il convient de souligner. Sous des propos séduisants et lénifiants, le projet ne vise rien moins qu‘à supprimer la circulation automobile dans le centre de Paris !
LE PARVIS DE NOTRE-DAME
Le parvis de la cathédrale a une valeur symbolique autant que religieuse. Il forme avec Notre-Dame un tout indivisible démontré par les nombreuses et importantes manifestations religieuses qui s’y déroulent. Y toucher c’est toucher à l’intégrité de la cathédrale. Le parvis est également utilisé pour l’organisation de certains événements à caractère laïque fort appréciés des parisiens et des touristes et notamment : fête du pain, journée des sans-abris. Vouloir recouvrir ce parvis d’un revêtement en verre est tout simplement inacceptable sinon ridicule. Mais on peut l’améliorer et le rendre homogène en remplaçant par un dallage en granite la partie côté Seine qui vient d’être récemment revêtue d’un sol stabilisé en dépit de notre proposition. Il est possible aussi d’envisager la construction rue du Cloître Notre-Dame, le long de la cathédrale d’un abri léger sur une centaine de mètres pour protéger les touristes qui visitent la cathédrale
ou montent sur ses tours.
Amputer le parvis pour y placer un escalier monumental donnant accès à la Seine ne correspond à aucune nécessité car le quai bas actuel permet d’y accéder par deux escaliers. La création d’un embarcadère ne s’impose pas non plus car il existe sur la rive opposée une station de Batobus qui donne rapidement accès à la cathédrale. En outre, le trajet court qui mène au parvis permet d’admirer divers aspects de Notre-Dame.
L’HOTEL-DIEU
Notre Association s’est battue depuis plus de dix ans pour le maintien de l’Hôtel-Dieu
comme hôpital du centre de la capitale et, si les divers plans d’aménagement qui se sont succédés n’ont pas permis, à notre très grand regret , de le conserver comme hôpital à part entière , du moins son existence comme établissement de soins a t-elle été préservée. Et la Mairie de Paris en a reconnu l’utilité dans un communiqué de presse du 21 juillet 2016 de Monsieur Bernard Jomier , adjoint à la Maire de Paris et vice-Président du Conseil de surveillance de l ‘AP-HP. Il appartient à cette administration d’apprécier le bien-fondé des propositions de la mission et de retenir celles qui correspondent le mieux à son objet.
Il serait judicieux d’y installer le musée de l’Assistance Publique qui possède des collections importantes et rares et qui pourrait constituer un outil pédagogique pour la formation des médecins. Il serait également possible de profiter des modifications prévues dans la répartition des locaux pour créer côté parvis un espace dédié aux touristes : accueil, informations, toilettes, billetterie, soins mineurs, bagagerie, interprétariat. Si des logements nouveaux étaient créés, ils devraient être affectés en priorité au personnel de l’hôpital et aux étudiants en médecine. Enfin, la création d’une salle de sport et de rééducation apporterait un équipement nouveau très utile et qui serait fort apprécié.
TRIBUNAL DE COMMERCE
On n’aperçoit pas la nécessité d’agrandir le bâtiment du Tribunal de Commerce par le dessous. En revanche, la proposition de recréer les arcades originelles et de conserver l’escalier monumental existant ainsi que les peintures murales et les fresques en les restaurant est une bonne idée. Ce prestigieux bâtiment pourrait être utilisé pour l’installation d’une grande instance nationale ou européenne.
COMMERCE LOCAL
Le rapport constate une réduction de l’activité commerciale dans l’ile et préconise une action de l’Etat pour y remédier ( page 17). Il suffit de se promener rue d’Arcole et rue du Cloître Notre-Dame pour constater qu’il n’en est rien tant les établissements de vente d’articles souvenirs et restaurants sont nombreux au point que certains risquent de fermer si la crise actuelle due aux attentats persiste. Au surplus, la création de commerces relève prioritairement de l’initiative privée et l’action publique dans ce domaine n’est pas toujours heureuse.
BRAS SUD DE LA SEINE
Le projet propose d’interdire la navigation sur le bras sud du fleuve et « d’investir
la Seine par l’installation de nouvelles plateformes flottantes accueillant piscine, cafés , ateliers, activités… ( proposition 3). Seules seraient autorisées à naviguer les vedettes desservant l’embarcadère prévu. Il s ‘agit là d’une erreur majeure et cette proposition d’inspiration éminemment commerciale ne résiste pas à l’examen en raison des nombreux inconvénients qu’elle présente. Les rédacteurs qui ne trouvent pas de surfaces suffisantes pour bâtir sur le sol ferme veulent utiliser le fleuve à cet effet.
Ils font totalement abstraction de l’utilisation actuelle de ce bras par la navigation et en particulier par les vedettes touristiques existantes qui offrent à leurs passagers une vue superbe sur la cathédrale et sur la beauté minérale des murs de quai qui donnent à l’ile l’aspect d’un vaisseau de pierre. Le Batobus dont l’utilité est incontestable emprunte ce bras et les navires qui l’utilisent seraient reportés sur le bras nord du fleuve qui est déjà très utilisé pour le fret fluvial et qui frise la saturation à certaines heures. Ajoutons que les plateformes proposées apporteraient aux lieux un aspect essentiellement commercial qui dénaturerait leur caractère. En outre, les activités nocturnes sur ces plateformes seraient de nature à créer des nuisances sonores dont souffriraient les habitants des quais rive gauche.
MARCHE AUX FLEURS
Le Marché aux Fleurs et aux Oiseaux de l’ile de la Cité, dans son aspect actuel, est devenu légendaire et la Reine d’Angleterre y a été invitée en raison de son caractère original.
L’abriter sous un grand Carreau de verre ( proposition 26) lui ferait perdre ce caractère, entrainerait l’arrachage des nombreux arbres qui lui donnent son charme au printemps. En outre, cette solution supprimerait les possibilités de stationnement automobile, ce qui aggraverait encore ce problème déjà dénoncé. Il serait même judicieux de prévoir une possibilité de dépose minute qui faciliterait l’achat d’arbustes importants. Et il pourrait même être agrandi par la suppression du stationnement le long du Tribunal de Commerce.
Les structures métalliques de ses pavillons étant en assez mauvais état, il serait préférable de les réhabiliter et les moderniser en les habillant de panneaux de verre qui permettraient de voir les végétaux. Mais il est souhaitable de lui conserver son aspect général actuel qui est devenu traditionnel. et de profiter de la disponibilité de certains espaces pour leur donner un caractère culturel : vente de beaux livres sur Paris , ses monuments, ses musées et son histoire, présentation et vente de produits de l’artisanat
français .
FINANCEMENT
Aucun chiffrage du coût global de l’opération n‘ est effectué en raison de la trop grande imprécision du projet au stade actuel mais il apparaît bien que le problème du financement préoccupe les rédacteurs. Ceux ci vont au devant des objections des futurs payeurs en évaluant à plus d’un milliard d’euros la possibilité de créer 100.000 M2 de nouvelles constructions ( page 13 du rapport). Aussi, il convient de « rendre le projet lisible aux yeux de l’opinion publique et pour mobiliser les sources de financement» (page 33 ). On peut craindre, en effet, que celui-ci ne pose de grandes difficultés dans l’état actuel des finances de l’Etat et de la Ville. Au surplus, si les locaux rendus disponibles ne sont pas attribués à des administrations ou transformés en bureaux, on peut douter que des souscripteurs privés soient désireux d’acquérir des logements situés dans les grands bâtiments publics de l’Ile à moins qu’ils ne soient bradés.
Sur ce point, on peut constater que les auteurs du rapport ne proposent pas de démolir ces grands bâtiments publics mais de les aménager en recouvrant les cours et espaces non bâtis de rotondes ou verrières, privant ainsi une partie des bâtiments actuels de lumière naturelle et d’aération d’où la nécessité d’installations coûteuses en énergie.
Cette proposition apparaît donc contraire à une politique écologique.
En outre, la structure interne de ces bâtiments devra être profondément modifiée,
opération très coûteuse et qui a constitué un obstacle majeur à la transformation de l’Hôtel-Dieu en hôpital moderne.
En dehors de ces observations, certaines des propositions présentent un véritable intérêt et méritent une étude plus approfondie de la part des administrations qui gèrent les grands édifices publics en cause.
PREFECTURE DE POLICE ET PALAIS DE JUSTICE
Certaines des propositions les concernant sont intéressantes et il appartient aux administrations qui occupent ces grands bâtiments d’apprécier celles qui ne nuisent pas à leur bon fonctionnement. et de les retenir. Souhaitons que celles qui touchent à la Sainte Chapelle et à la Conciergerie soient bien étudiées. La galerie souterraine projetée sous le Palais de Justice pourrait être utilisée, non pour des activités commerciales
du type carrousel du Louvre mais pour une leçon d’histoire par des tableaux, des expositions, des projections, des jeux interactifs retraçant la vie de l’ile depuis ses origines gallo-romaines jusqu’à nos jours.
CONCLUSION
L’examen critique du projet montre qu’il n’est pas correctement adapté aux lieux et provoque de fortes et nombreuses oppositions. Il nécessite une nouvelle étude tenant compte des critiques et suggestions formulées par toutes les parties intéressées. En ce qui la concerne, notre Association avait présenté quelques propositions qui n’ont pas été retenues. Il ne s’agit que de quelques idées et beaucoup d’autres pourraient être avancées pour permettre une utilisation optimale de l’ile de la Cité dans la France de demain. A cet effet il est nécessaire de faire preuve de beaucoup d’imagination mais aussi de réalisme, de respect des lieux et de ses habitants pour conserver à l’ile un aspect digne de son grand passé et offrir à ses visiteurs un cadre touristique durable.
En dépit de ses qualités, ce rapport contient trois erreurs majeures qu’il convient de rejeter absolument :
-le revêtement en verre du parvis de Notre-Dame, y compris la crypte archéologique,
-la suppression de la circulation automobile pont des l’Archevêché, quai des Orfèvres
et quai du Marché neuf,
- la suppression de la navigation sur le bras sud de la Seine et l’installation d’un embarcadère et de plateformes.
En terminant, exprimons le souhait que les responsables politiques qui auront à décider du futur de l’ile de la Cité soient effectivement à l’écoute de tous les intéressés et tiennent compte de leurs avis.
Nous avons obtenu une réponse par retour du courrier du Cabinet présidentiel.
Celui-ci nous indiqué qu'après en avoir pris connaissance ,il l'avait transmis à Monsieur Jean Pierre WEISS Président de la future conférence de l'Ile de la Cité.